Derrière la dynamique troupe de théâtre « Free-Vol » se cache une femme talentueuse et généreuse. Ancienne journaliste durant deux décennies et rédactrice en chef notamment de Marie-Claire Arabie, la libano-belge, Valérie Debahy a plusieurs cordes à son arc.
Il y a six ans, elle décide de monter une troupe dans la langue de Molière afin de transmettre son amour du théâtre et du jeu. Dans un pays ou la langue française perd du terrain, elle relève ce pari difficile de s’entourer de plus de 20 bénévoles comme elle, qui donnent de leur temps et de leur âme pour présenter chaque année une pièce plutôt burlesque avec des gains toujours reversés aux associations.
1- Pourquoi avoir choisi de mettre en scène l’adaptation française de « Rumeurs » signée Neil Simon, le dramaturge new-yorkais ?
Une troupe se doit d’être sur scène et en coulisses une famille où tout le monde se porte les uns les autres, pour que chacun d’entre nous trouve sa place et apporte son talent. La philosophie de notre troupe est donc de choisir des pièces qui permettent d’inclure chacun de nous. Dans l’édition précédente, « Le noir te va si bien », nous étions huit sur scène, il nous fallait donc un vaudeville qui puisse accueillir aussi de nouvelles recrues tout en intégrant les anciennes. Avec « Rumeurs », le public pourra découvrir trois nouveaux comédiens amateurs. Après avoir lu plusieurs scenarios, notre dévolu s’est finalement porté sur « Rumeurs », une pièce à cent mille volts adaptée en 2013 par Dominique Deschamps, imaginée et écrite par le « patron » du vaudeville new-yorkais, Neil Simon. C’est une farce qui emmènera les spectateurs dans un périple ou se mêlent mensonges et pures inventions. Les personnages se croisent, se toisent, s’épient, se disputent, s’empêtrent dans leurs mensonges pour le plus grand plaisir des spectateurs. Rumeurs, c’est du Gossip en plein avec des personnages hauts en couleur.
2- La plupart des pièces que vous montez et dirigez sont drôles. Le public libanais a-t-il besoin de rire en ces temps de crise ?
Effectivement nous vivons dans un pays volcanique ou tout peut exploser à tout instant. Entre les différentes insécurités qu’elles soient d’ordre politique ou économique, le public libanais a besoin sans aucun doute de rire aux éclats. Nous proposons alors d’emmener le spectateur dans un voyage ou la légèreté est au rendez-vous. Les pièces que nous choisissons, dont celle-ci, sont virevoltantes. Ainsi, par ses décors riches, ses costumes recherchés, ses personnages burlesques et ses intrigues comiques, la compagnie Free-Vol contribue à la mise en scène d’un théâtre ou le beau est reine et le rire est roi. Le rire allège le cœur, le rire est pour la troupe l’antidote à la morosité ambiante ! Il nous suit et nous poursuit, s’insère et s’aiguise dans nos répétitions, s’allonge lors de nos sorties en groupe pour donner tout son éclat sur scène !
3- Pour ceux qui ne connaissent pas encore la troupe, pourquoi l’avoir appelée « Free-vol » ?
Lorsque nous avons monté la compagnie « Free-vol » il y a 6 ans, notre objectif était de s’amuser tout en tendant la main, donc de jouer au profit d’associations. Nous choisissons d’ailleurs le plus souvent celles qui viennent en aide aux enfants livrés à eux-mêmes, aux femmes dont la condition est souvent difficile et aux vieillards qui peinent notamment avec leur solitude. Derrière le mot « free » on trouve des personnes généreuses venant de milieux professionnels différents qui jouent gratuitement durant plusieurs soirs consécutifs. « Vol » c’est tout simplement car nous avons pris notre envol en poursuivant cette aventure en tant que benevoles, une aventure qui est devenue un rendez-vous annuel attendu par un public toujours fidèle. Les comédiens sont des amateurs dans leur majorité et des passionnés de théâtre. Ils se consacrent pleinement durant plusieurs mois pour offrir une pièce la plus professionnelle qui soit. De plus, une véritable amitié et complicité s’est tissée au fil des années entre les bénévoles de Free-Vol.
4- Quelles sont les associations concernées cette année ?
Cette année, 12 associations bénéficieront des ventes de billets dont : La voix de la femme, Mar Semaan, Saint-Vincent de Paul, Lebanese Alternative Learning, A tout cœur, AFEL, Paradis d’enfants, Amour et partage, Créneaux, Ashghalouna, Graine de paix et Free-vol. En six ans nous avons pu récolter plus de 310 000 dollars en aidant près de 40 associations dont 10 par an. D’ailleurs si nous arrivons à ce chiffre-là, c’est aussi grâce à la générosité et la confiance que nous accordent nos sponsors qui à travers nous, aident aussi les ONG.
5- Justement quid des sponsors et des remerciements ?
J’en profite pour remercier NextCare, Banque SGBL, L’Institut Français, la Librairie du Liban, Joy Lingerie, Cliniform, Ksara, BMW, Emak, Unipack et Petit point. À côté de cela, nous avons des personnes et entreprises qui donnent de leur talent et de leur savoir-faire en nous prêtant des pièces comme les robes du styliste Rani Zakhem ou encore des bijoux confectionnés par la joaillière Nada Zeineh. Je pense aussi au décor dont certains meubles viennent de chez Vanlian. Une pièce ce n’est pas seulement un texte et des acteurs, toute une équipe de bénévoles s’active aussi en coulisses. A ce titre, nous retrouvons Antoine Char à la direction artistique, Rima HadjiThomas avec l’aide de Câline Assaf aux costumes, Valérie Ghammachi au décor, Sandra Moucachen aux accessoires, Josiane Dagher au maquillage, Events Production aux relations publiques, Commercial Insurance nous assure et Print Box pour la petite imprimerie. Ce sont près de 20 personnes qui bourdonnent autour des comédiens dont Ralph Waked pour le graphisme et Charbel Semaan pour la photographie et bien d’autres encore.
6- Vous êtes aussi actrice dans vos pièces. À quand remonte votre passion ?
Le théâtre m’a toujours accompagnée. A 12 ans déjà je perdais sur scène ma fausse moustache en jouant dans un Molière et à 18, je découvrais l’adrénaline procurée par ma première « claque » du public suite à un monologue dans un Guitry. A cette même époque, j’ai intégré le Cercle Royal Le Gardénia, une troupe anversoise fondée en 1889 en Belgique ou j’ai grandi. De cette expérience m’est venue l’envie de créer une troupe fondée sur l’amitié, le respect et la passion du théâtre ; et non pas de partir d’une mise en scène avec un choix d’acteurs. Cette gageure je n’ai pu la relever qu’avec Patricia Takla Baddour, Elie Nabaa, Rima Hadji-Thomas et Antoine Char qui ont cru comme moi au potentiel de cette troupe, aujourd’hui véritable famille de cœur. Avec eux a mes côtés, j’ai relevé le défi de mettre en scène tout en jouant, de diriger des amateurs et des novices de la scène, de trouver des sponsors pour produire une pièce par an. Main dans la main, nous nous préparons à présenter « Rumeurs » en mai prochain.
La Compagnie Free-vol présente du 14 mai au 29 mai 2018 « Rumeurs », avec Etienne Kupélian, Valérie Debahy, Elie Nabaa, Patricia Baddour, Haitham Herzallah, Marilyne Jallad, Farid Chehab, Cynthia Samneh, Zahi Tabet et Antoine Char.
La pièce se joue à l’Institut Français, salle Montaigne à 20h00 précises.