Le Liban est connu par la richesse de son littoral, qui a longtemps été une référence pour les pêcheurs de la Méditerranée. Cette réputation a lentement disparu au cours des dernières années, notamment à cause de la pollution et des techniques contestables auxquelles ont recours les pêcheurs.
Le temps est beau. La mer est calme. Les conditions sont parfaites pour pêcher. Abou Ahmad prépare
sa canne et se dirige vers la corniche de Beyrouth, sanctuaire de renommée mondiale pour les pêcheurs
libanais depuis plus de 2.000 ans.
Arrivé à destination, le vieux pêcheur cherche le meilleur emplacement sur la corniche. Ce promontoire
longe la mer sur plusieurs kilomètres, ce qui n’est pas sans donner une vue imprenable sur la Méditerranée. Étrangement, on ne rencontre aucun pêcheur sur la partie nord. Abou Ahmad, lui non plus, ne s’arrête pas ici. Il continue à se diriger vers le Sud.
À mi-chemin : un autre monde. Une odeur nauséabonde empeste l’air. La mer, elle, change de couleur. C’est le genre d’endroit qu’on évite habituellement.
Surprise : Des pêcheurs sont déjà installés ici. Abou Ahmad les salue, puis les rejoint. “La zone où débouchent les égouts est un paradis pour les poissons, ils aiment venir ici pour se nourrir”, explique Abou Ahmad. “Le poisson est sensible, il meurt facilement s’il mange quelque chose qui nuit à sa santé”, ajoute le vieux pêcheur.
Cette pratique est devenue très normale parmi les pêcheurs de cette région. Mais elle soulève beaucoup
de questions sur la santé et l’environnement : la situation des pêcheurs serait-elle aussi précaire pour qu’ils aient recours à cette pratique dégoûtante ? Comment savoir si les vendeurs de poissons libanais pêchent également aux embouchures des égouts ?
Le responsable de la “Poissonnerie du Liban”, sur l’autoroute d’Antélias (nord de Beyrouth), assure que les poissons qu’il vend sont “très propres” et proviennent de pêcheurs professionnels qui exercent leur activité au large de la mer.
[quoteicon author=””]”Les pêcheurs viennent de Tripoli, d’el Aabdeh, ainsi que de Tyr et Sidon pour me vendre leurs poissons”[/quoteicon]
“On ne peut pas vendre du poisson pêché sur le littoral parce qu’il y a une loi décrétée l’année passée
qui interdit la pêche sur la côte libanaise”, ajoute le responsable.
“OC”, un grand restaurant libanais qui vend du poisson, assure lui aussi que le poisson libanais est d’excellente qualité. “Le poisson importé est plus fréquemment périmé que le poisson local”, indique un responsable du restaurant.
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Alors pourquoi ces pêcheurs se rassemblent-ils toujours à la sortie des égouts ? La plupart ne fournissent pas de réponse à ce sujet. Abou Ahmad, lui, indique qu’acheter un bateau pour pêcher au large de la mer coûte très cher. Avec cette pêche, il peut nourrir sa famille pour un week-end. Mais cela vaut-il la peine de mettre sa propre santé et celle des autres en danger ?
[box title=”L’avis de l’expert”]Dr André el Khoury, expert en toxicologie alimentaire à l’Université Saint-Joseph (USJ), explique qu’il ya beaucoup de matières toxiques dans les égouts. Ces dernières se divisent en 3 groupes : chimique, physique, et microbiologique. “Les substances toxiques ont certainement des effets néfastes sur l’écosystème marin en général, mais elle ne provoquent pas toutes la mort des poissons”, indique-t-il. “S’il y a des poissons qui vivent à proximité des embouchures d’égouts, cela ne veut pas dire que ces égouts sont propres. Ceci est absurde, déclare-t-il, ajoutant que les poissons absorbent l’eau contaminée par leurs branchies et la font sortir, ce qui concentre les substances toxiques dans leur organisme; d’où le danger pour l’homme. Ces substances sont liposolubles, elles ont une affinité avec la graisse. Donc, plus le poisson est graisseux, plus il est contaminé”. “Une étude récemment effectuée au Canada a démontré que les hôpitaux qui déversent un faible taux d’oestrogène dans les égouts entraînent le changement du sexe des poissons qui vivent a proximité. À long terme, ceci pourrait engendrer la disparition de plusieurs espèces de poissons”, dénonce le Dr Khoury. Qu’en est-il des précautions à prendre? “Il est impossible de savoir si un poisson est contaminé du point de vue chimique, mais il existe malgré tout quelques précautions à prendre. D’abord, laver le poisson avec de l’eau et du sel, nettoyer l’intérieur du poisson intensivement, et le conserver ensuite dans un congélateur à une température qui ne dépasserait pas les -5 degrés Celsius. La consommation doit se faire au bout de 5 jours de conservation, sinon le poisson doit être jeté. La cuisson doit se faire à une très haute température. Ces méthodes réduisent une grande quantité de germes et de bactéries, mais il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de substances chimiques qui sont thermorésistantes”, précise-t-il.[/box]
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