Lorsque les étrangers pensent au Liban, le ski n’est pas la première activité qui leur vient à l’esprit. Et pourtant, le pays du Cèdre est l’un des seuls endroits au Moyen-Orient où l’on peut s’adonner aux joies de la glisse.
Par Thomas Abgrall
Skier le matin sur les massifs montagneux du mont Liban et se baigner l’après-midi dans la mer Méditerranée. Voilà un slogan publicitaire qui pourrait faire fureur. Les Libanais ne se privent d’ailleurs pas de le répéter: c’est bel et bien possible de skier et de se baigner la même journée!
L’origine même du nom «Liban» est d’ailleurs étroitement liée à ses montagnes: il provient de la racine sémitique lubnan, qui signifie «blanc» ou «lait», en référence au manteau de neige qui recouvre les cimes libanaises pendant les mois d’hiver. Le ski au Liban a été importé au début des années 30 par les militaires français qui ont ouvert en 1935 la première école de ski dans le nord du Liban, aux Cèdres. Plusieurs stations se sont ensuite développées dans les années 60 et 70 grâce à quelques grandes familles libanaises, qui ont investi à coup de millions dans leurs régions d’origine afin de développer toutes les infrastructures.
Six stations de ski
Aujourd’hui, le pays du Cèdre compte six stations de ski – dont trois fonctionnent régulièrement – qui ont connu une seconde naissance après la fin de la guerre civile (1975-1990). Faraya-Mzaar est la plus connue. Située à une grosse heure de Beyrouth, à 1800 m, sur les hauteurs du Kesrouan, c’est la station la mieux équipée. C’est aussi la plus branchée, avec ses restaurants, ses hôtels et ses boîtes de nuit. Les propriétaires de la station ont essayé de recréer un mini Courchevel – la grande station française de Savoie – autour de blocs de chalets de luxe et d’un grand hôtel géré par la chaîne InterContinental. Le domaine skiable du Mzaar s’étend sur plus de 80 km2, avec 42 pistes et une vingtaine de remontées mécaniques. La poudreuse y est souvent de bonne qualité, et il n’est pas rare en fin de saison de pouvoir skier sans manteau et même en t-shirt!
S’il est un petit plaisir qu’il ne faut pas manquer, c’est celui de savourer en altitude un man’ouché, sorte de galette au thym ou au fromage, en profitant de panoramas sur la Méditerranée… «Nous accueillons parfois jusqu’à 5000 skieurs les bons week-ends et les étrangers représentent environ 10% de notre clientèle», explique Youmna Rizk, l’une des propriétaires de la société qui gère Faraya Mzaar. La station peine encore à attirer des touristes en raison de l’instabilité quasi permanente au pays du Cèdre. «La plupart des skieurs étrangers sont des Occidentaux qui travaillent dans les pays du Golfe. Une semaine de ski au Liban leur revient deux fois moins cher que dans les stations européennes, et ils peuvent profiter de Beyrouth, très proche. Les autres touristes sont des Arabes du Golfe, des Jordaniens ou des Syriens», affirme Ronald Sayegh, PDG du site Skileb.com, qui propose différents forfaits pour des séjours au ski.
Une semaine revient environ à 750$, hébergement, transports, accès aux pistes, équipements et assurances inclus.
Un cadre naturel exceptionnel
La bourgeoisie libanaise aime bien skier quelques week-ends par an à la montagne, mais les stations ne risquent pas encore la saturation. Le pays compterait seulement 35 000 skieurs (sur 4 millions d’habitants), dont environ 200 professionnels. «Les Libanais ne sont pas très sportifs, ils préfèrent souvent se prélasser au soleil sur les terrasses en bas des pistes. Dès qu’il fait plus chaud à Beyrouth, ils choisissent d’aller à la plage», plaisante Marie Succar, l’une des gérantes de la station de ski des Cèdres.
Cette station, la plus ancienne du Liban, est aussi la plus authentique. On y vient surtout en famille pour profiter du paysage, à couper le souffle, plus que pour les sensations sportives. Située à trois heures de Beyrouth, la station offre des vues imprenables sur le plus haut sommet du Liban, le Qornet es Saouda (3083 m), et sur l’une des dernières réserves de cèdres du Liban. La nature n’a pas encore été défigurée par les promoteurs immobiliers, et la quiétude du lieu est à peine troublée par quelques grappes de skieurs. La station, qui a vécu dans une sorte de coma artificiel jusqu’en 2005 en raison de la présence de l’armée syrienne, s’est développée récemment avec l’installation de nouveaux télésièges, même si les équipements restent encore un peu archaïques. Le domaine skiable compte une demi-douzaine de pistes, mais devrait s’agrandir à l’avenir, avec la construction d’une télécabine et d’un refuge.
En dehors du ski, d’autres activités sont toujours possibles: randonnée, luge, parapente, motoneige… Et la station des Cèdres est un point de départ idéal pour découvrir la vallée sainte de la Kadisha, où se cachent quelques-uns des plus anciens monastères chrétiens du Moyen-Orient.
Source: LaPresse