Le 15 février 2012, le fleuve de Beyrouth a pris une couleur rouge vif. Les images choquantes partagées sur les réseaux sociaux ont immédiatement suscité la colère et l’inquiétude des ONG et des citoyens.
D’après les résultats préliminaires de l’enquête menée par les autorités, un colorant industriel serait à l’origine du changement de la couleur de l’eau du fleuve. Il n’y a plus de doute que «Nahr Beyrouth» est désormais la chasse d’eau de la ville.
Longtemps considéré comme le poumon de la capitale, le fleuve de Beyrouth est désormais la poubelle de la ville. Pollué jusqu’à son embouchure et devenu une véritable catastrophe écologique, ce fleuve saisonnier menace l’écosystème de Beyrouth et de la mer Méditerranée.
Prenant sa source des hauts du Metn, à Hammana, le fleuve, cristallin à l’origine, déverse ses eaux dans la mer Méditerranée au Nord du port de Beyrouth. C’est là que son vrai visage se dévoile. Qui n’a jamais été accueilli par l’odeur nauséabonde à l’entrée Est de Beyrouth? Qui n’a jamais été surpris par la couleur de l’eau du fleuve de la capitale? La pollution de ce fleuve a progressivement changé l’environnement de la région avoisinante.
«C’est une honte pour Beyrouth, c’est une honte pour les Libanais», s’indigne Abou Mazen employé
dans une boucherie dans la région de Nahr. Comble de l’ironie, l’estuaire du fleuve abrite l’abattoir
de Beyrouth, le siège d’une compagnie de traitement des déchets et le dépotoir de la capitale. «La région a mauvaise réputation à cause de l’odeur insoutenable que dégage l’abattoir et le fleuve pollué. Que vont penser de nous les touristes?», ajoute le boucher.
Le fleuve attire moins l’attention en hiver, grâce à l’eau des pluies qui l’aide à se débarrasser des déchets accumulés en été. Ce qui ne veut pas dire qu’il est moins pollué. «Le fleuve est dégoûtant, particulièrement à son embouchure, proche de la région de Bourj Hammoud. La majorité des habitants de cette région se débarrassent de leurs ordures en les jetant dans le fleuve tout au long de l’année», indique M. Abou Zein, militant pour l’environnement et habitant de la région du fleuve. «En été, la rivière se dessèche à cause de la chaleur intense à Beyrouth, ne laissant que les déchets qui reposent sur le lit du fleuve à l’allure de conduit d’égouts», poursuit M. Abou Zein.
Valeur sentimentale
«Le fleuve avait une valeur sentimentale pour les Beyrouthins puisqu’il marquait la séparation
entre Beyrouth et ses banlieues. Mais aujourd’hui, nous le considérons comme un fleuve mort, puisque
son lit naturel a été remplacé par un lit de béton. Il n’y a plus de vie aquatique dans ce fleuve. Les
poissons et les algues ne peuvent pas y vivre. C’est un fleuve artificiel », explique Garabet Kazanjian,
responsable de la campagne pour les océans à Greenpeace Liban. «Le niveau de pollution de toute
la région autour du fleuve est très élevé. Toutes les compagnies pétrolières lavent leurs réservoirs de
pétrole dans cette région et déversent l’eau sale dans ce fleuve», poursuit M. Kazanjian.
«Le problème principal, c’est le déversement des égouts de tous les villages par lesquels passe le fleuve. Depuis le sommet des montagnes du Metn les habitants ne font que le polluer. Résultat: il arrive à Beyrouth dans un état lamentable. Si nous construisons des stations d’épuration dans des endroits stratégiques, nous pourrons éviter l’aggravation de ce problème», estime Paul Abi Rached, fondateur de l’ONG T.E.R.R.E Liban. «Au lieu d’investir des millions de dollars dans des hôtels cinq étoiles pour attirer les touristes, pourquoi ne pas prendre soin de nos fleuves et de nos rivières?», s’interroge
cet écologiste.
Le Liban comprend 2.000 rivières et 40 fleuves, dont la majorité est polluée et tend à disparaître dans quelques années. À la veille des élections municipales de Beyrouth, les Beyrouthins et leurs représentants devraient, pour booster le tourisme, s’occuper de l’environnement, avant qu’il ne se retourne contre eux.